Laurent Lafforgues au secours de la grammaire, de l’orthographe, du français en général et au delà

Comme promis j’ai trouvé le texte de Laurent Lafforgue (médaille Fields) auquel je pensais l’autre jour en classe… https://www.laurentlafforgue.org/textes/SEL.pdf

Je cite d’abord :

« Comme mathématicien, je suis extrêmement sensibilisé à la question du langage, je sais combien la construction d’un langage qui rend possible la pensée est difficile, combien son acquisition progressive est ardue pour les nouveaux venus et combien sa préservation est précieuse. »

Non, mettre un s à la troisième personne du singulier en français n’est pas une peccadille, c’est un acte grave, un refus du vivre ensemble que Laurent Lafforgue exprime avec force en haut de la page 4 : « dans le but de créer un monde commun emprunt de civilité, où les hommes aient la possibilité de parler les uns avec les autres, de penser finement et d’échanger leurs pensées, voire d’exprimer leurs émotions, tout en gardant une certaine distance. Je souhaite ardemment qu’un tel monde commun continue à exister, et je pense que sa condition sine qua non est l’existence d’une langue commune qui obéisse aux règles imaginées à l’époque française classique. »

Vous comprendrez donc que les fautes de conjugaisons soient pénalisantes sur vos copies de mathématiques.

Enfin je ne résiste pas à cette citation magnifique : » Enfin, les mathématiques progressent au cours des siècles principalement par la lente maturation de nouveaux concepts, c’est-à-dire de nouveaux mots qui donnent prise sur les choses. Quand une chose n’est pas nommée, elle reste insaisissable, invisible, impossible à penser. Pour commencer à l’appréhender, les mathématiciens dans leurs longues quêtes n’ont d’abord d’autre ressource que d’employer des périphrases, et il peut arriver que de telles périphrases représentent des centaines de pages de texte. Voici ce qu’il en coûte quand les mots manquent encore et que l’esprit est réduit à tenter de penser sans les mots. Au contraire, quand après de lentes décantations qui, dans l’histoire, prennent parfois des siècles, des mots apparaissent qui permettent de saisir les choses dans leur être, il arrive que certains résultats qui avaient d’abord demandé des livres entiers pour être énoncés et expliqués s’expriment enfin en quelques lignes d’une clarté aveuglante. C’est que la pensée, grâce aux mots, est devenue libre: elle était paralysée par l’impossiblité de dire et voici que, par le progrès de la langue disponible, elle se trouve enfin déliée. »

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